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DIALOGUE NATIONAL : LES CORPS SOCIAUX CLÉS IGNORÉS DES CONSULTATIONS

Au lendemain de l’annonce du dialogue national par le président de la République le 10 septembre 2019, le Premier ministre chef du gouvernement a entamé les consultations préparatoires en vue de la rencontre. Cela avait d’ailleurs été indiqué dans l’adresse à la nation du Chef de l’Etat, qui précisait que c’est le chef du gouvernement qui mènerait la danse. S’il est établi que les consultations préliminaires visent à récolter les avis de toutes les forces vives de la nation, des questions se posent déjà sur l’issue de ces rencontres, au regard d’une part de la qualité des personnalités et groupes rencontrés et des préalables posés jusqu’ici, d’autre part du rythme particulièrement soutenu des audiences. Dans un communiqué de presse posté également sur son compte tweeter, le Premier ministre Dion Ngute a rendu publique la liste des personnalités et délégations qu’il reçoit depuis le 16 septembre 2019, et ce jusqu’au 21 septembre.

                                        A grand bruit des médias d’Etat, mais loin de la cible

Représentativité suspecte

Cette liste renseigne suffisamment sur la volonté du gouvernement d’élargir ces consultations, car même les motos taximen seront consultés, représentés par le président national de leur association. Inutile d’aller chercher qui est ce président et quels moto-taximen il représente, où et quand il a été désigné, et dans quelle instance, au risque d’être accusé de tout remettre en cause.  On le saura bien le 20 septembre 2019 à 15h, heure à laquelle il sera reçu au même moment qu’une délégation des présidents des organisations syndicales.

Toujours est-il que s’il y a un président national, cela veut dire qu’il y des président régionaux, départementaux et même au niveau des arrondissements, qui dans une démarche participative, devait s’être réunis, avoir débattu des préoccupations qui sont les leurs et consignés dans un document que le supposé président national devrait porter au Premier ministre. Mais là chacun peut discuter avec un moto-taximan autour de lui pour savoir s’il a connaissance d’une telle démarche. Et s’il elle n’a jamais existé, cela voudrait simplement dire que le prétendu président de l’association des moto-taximen aurait été unilatéralement désigné par le pouvoir. D’ailleurs, les taximen même, les conducteurs des voitures jaunes se demandent déjà où est ce qu’on les a mis dans tout cela, comment l’on peut traverser sur eux qui exercent légalement leurs activités pour inviter les moto-taximen réputés être des hors la loi ?

Au-delà de ces curiosités, il y a pire dans la liste du premier ministre. Pour la corporation des journalistes, c’est l’Union des journalistes camerounais (Ujc) qui a été invité. Une organisation qui n’existe plus que dans les archives, et dont personnes au sein du corps ne se rappelle la dernière fois où elle s’est réunie, et quelle activité elle a mené les dix dernières années pour être modeste.

La société civile et les journalistes ignorés

Le Syndicat national des Journalistes (Snjc) a été ignoré, alors même qu’il regroupe au minimum 500 journalistes dument identifiés, avec des sections qui fonctionnent dans toutes les régions du pays, alors qu’il est affilié à la Fédération internationale des journalistes  la (Fij) et à la fédération africaine des journalistes la  (Faj),  où il est même représenté au sein de l’Exécutif. Le regroupement des éditeurs de presse, qui réunit les patrons de presse n’est pas mentionné parmi les invités aux consultations, les médias audio visuels, la presse cybernétique, tous ne comptent pas aux yeux du pouvoir, ils n’ont aucun avis à donner sur les questions nationales, ils sont juste bon à être utilisés pour passer les communiqué de presse.

Plus grave encore, la Cameroon Association of english speaking Journalist, (Camasej), qui réunit les journalistes d’obédience anglophone, et dont les membres vivent en majorité dans les régions en crise, n’est pas non plus dans l’agenda du Premier ministre. Le journaliste étant le baromètre de la société, l’avant-garde et celui qui est présumé être au courant de tout, comment peut-on sincèrement vouloir discuter du problème anglophone en oubliant les journalistes anglophones, en plus regroupés dans une association qui leur sert de réseau de collecte d’informations ?

Et que dire de la société civile ? Elle n’est non plus mentionnée nulle part dans le programme des audiences du chef du Gouvernement Dion Ngute. Pourtant ce corps a été explicitement cité par le président de la république dans son discours, comme partie prenante au dialogue. Et même au-delà de cela, qui mieux que la société civile maîtrise le pool d’une société ? Un Monde Avenir, Zenu Network, Reach Out, Women peace, l’Acdic, Dynamique citoyenne, le Réseau camerounais des organisations des droits de l’homme pour ne citer que quelques organisations, font un travail de proximité et constituent ainsi une force de proposition qui ne saurait être ignorée dans un processus de construction nationale.

Et si la montagne accouchait… d’une souris

Et si l’idée des consultations est de récolter toutes les préoccupations nationales au-delà des crises anglophone et postélectorale, même les étrangers savent qu’au Cameroun on ne peut pas évoquer trois sujets brûlants sans parler de sport, et particulièrement du football. Comment peut-on sincèrement oublier de convier les acteurs du sport aux consultations, au moment même où le feu brule dans la maison football, alors que les camerounais n’ont pas encore fini d’essuyer la honte du « glissement » de l’organisation d’une coupe d’Afrique des nations en 2019 ?

Quant au secteur économique, il est vrai qu’il est fortement représenté, mais il reste qu’il y a des secteurs clés qui impactent le quotidien des camerounais comme l’eau et l’énergie, qui devraient faire l’objet d’une attention particulière, et les acteurs de l’électricité mériteraient même d’avoir une audience à part, au vu des problèmes que rencontre le secteur.

Au demeurant, à l’allure où les choses vont, si l’on n’y prend garde, si le premier ministre n’intègre pas ces autres corps sociaux clés qui semblent pour le moment ignorés, le grand dialogue national risquera d’être réduit à une simple une grande messe, dont le mérite aura été d’enflammer quelques milliards, et comme ce fut le cas pour la tripartite de 1991, la montagne pourra une fois de plus… accoucher d’une souris.

Roland TSAPI

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