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Manifestations publiques : les marches blanches et les procès kafkaïens

En 1925, l’écrivain allemand Franz Kafka publiait un roman intitulé Le Procès. Originellement écrit en allemand, il fut Traduit en français dès 1933 par Alexandre Vialatte, dans les années 80 il était inscrit au programme scolaire camerounais où il est resté pendant longtemps. Le Procès met en scène un personnage appelé Joseph K. Le matin de son anniversaire Josef K. est soudainement interpellé chez lui, deux gardes l’informent qu’il est en état d’arrestation, mais ils ne lui disent rien des motifs, d’ailleurs ils ne savent pas quelles sont les charges, ils ne savent rien.

Joseph K. est alors conduit dans la chambre d’une autre locataire où il est soumis à un interrogatoire tout aussi déroutant que bref par un inspecteur qui l’informe qu’il est en état d’arrestation, mais il est libre d’aller travailler à sa banque et continue à vivre sa vie comme à son habitude. Il apprendra qu’une enquête sur son arrestation aura lieu le dimanche suivant. Quand il arrive à l’adresse de la cour, il est intrigué par le fait que le tribunal semble être situé dans un immeuble d’habitation dans un quartier pauvre. Comme on ne lui a pas donné une adresse précise, il erre dans les immeubles d’habitation, jusqu’à ce qu’il tombe sur une blanchisseuse, qui lui explique où la cour se réunit.

Après s’être présenté au juge d’instruction, Joseph K. proteste contre son traitement lors de son arrestation, et dénonce la Cour et ses fonctionnaires pour corruption. Mais, comme il a fini son discours, il remarque que la cour est remplie de fonctionnaires de justice. Le juge d’instruction lui indique qu’il a sérieusement nuit à sa propre cause par son comportement, mais K. refuse de participer à toutes les procédures et quitte la salle d’audience.Malgré l’absence de convocation, K. retourne à la cour la semaine suivante. Là, il ne trouve que la blanchisseuse, qui l’informe que le tribunal n’est pas en session. La blanchisseuse, qui s’avère être l’épouse de l’huissier-audiencier,  lui permet d’explorer la salle d’audience, où il découvre à sa grande consternation que les cahiers du juge d’instruction sont en fait des romans pornographiques. Dans les bureaux délabrés de la cour, il rencontre d’autres accusés, dont l’état physique révèle leur usure à force de subir leur procès. 

Plus tard, l’oncle de K. lui rend visite et le réprimande de ne pas défendre son cas de manière plus rigoureuse, et lui propose de lui faire rencontrer un vieil ami avocat de la défense. Après l’entrevue son oncle lui reproche de nouveau de détruire toutes les chances de succès dans son procès.Alors que le procès approche, K. est de plus en plus distrait et est incapable de se concentrer au travail. Il n’est pas satisfait des services de son avocat, qui ne semble pas faire de progrès dans son cas. À la banque, l’un de ses clients lui donne une lettre d’introduction auprès du peintre de la cour. A qui il rend visite dans son atelier, où il voit les portraits des juges. Le peintre lui explique qu’obtenir un acquittement sera difficile, et que la meilleure option pour lui est de reporter sans cesse le jugement final, et lui montre la sortie après l’avoir poussé à acheter certaines de ses peintures de paysage.

destinations inconnues et procès interminables

 

Etranger à son propre destin

Joseph K. décide finalement de remercier l’avocat que lui avait présenté son oncle et prendre les choses en mains lui-même. Quand il arrive chez l’avocat il rencontre un autre client, un marchand qui a mis tout ce qu’il avait, y compris son entreprise, dans sa défense sans pour autant faire avancer son procès. Quelque temps plus tard, il est commis par sa banque pour accompagner un client italien qui souhaite visiter la cathédrale locale. Lorsqu’il arrive à la cathédrale, pas de client italien. Il est sur le point de partir quand un prêtre appelle son nom. Ce prêtre se trouve être l’aumônier de la prison, et lui reproche pour son indifférence pour son procès. L’aumônier raconte ensuite à Joseph K. une parabole sur un homme de la campagne qui cherche à avoir accès à la loi, mais il en est empêché par un portier. Après avoir discuté des nombreuses interprétations possibles de cette parabole, K. demande à l’aumônier de l’aider, mais ce dernier refuse.Un an est passé déjà, et c’est de nouveau son anniversaire. Il a passé tout ce temps en procès mais il ne sait toujours pas exactement de quoi on l’accuse, encore moins qui l’accuse. Ce soir de son anniversaire, lorsqu’il s’habille pour sortir, il est surpris par deux hommes habillés de manière stricte. Ces derniers le conduisent dans une carrière à l’extérieur de la ville, où l’un d’eux lui tient le son cou et l’autre le poignarde deux fois dans le cœur.

Le Cameroun réécrit l’œuvre de Kafka

L’histoire de Joseph K a donné lieu à ce qui est appelé le procès kafkaïen, un procès au cours duquel tout est mystérieux. Personne ne sait rien, l’accusé ne sait pas pourquoi il est arrêté et gardé, l’agent ne sait pas pourquoi il arrête, le juge ne sait pas pourquoi il poursuit l’accusé. C’est à ce type de procès que l’on assiste aujourd’hui au Cameroun, dans l’affaire des marches blanches. Des manifestants interpelés depuis le 26 janvier à ceux du 8 juin, en passant par ceux du 29 janvier et du 1er juin, la justice en est aujourd’hui à chercher les motifs acceptables à leur coller. 

Pendant que les tribunaux de certaines villes comme Nkongsamba libèrent purement et simplement les personnes interpellées dans le cadre de ces marches dans les villes de Douala et Yaoundé les tribunaux continuent avec les procès Kafkaïens, dans lesquelles il est impossible de dire qui poursuit les détenus, et pourquoi. Si tant est que le pouvoir est décidé à intimider les populations à travers ce type de procès, il peut au moins laisser les victimes libres d’aller travailler comme c’était le cas de Joseph K dans l’œuvre de Franz Kafka.

Ainsi on pourra bien leur appliquer la première phrase de cette œuvre qui dit « On avait sûrement calomnié Joseph K, car sans n’avoir rien fait il fut arrêté un matin du jour de son anniversaire. »

 

Rédigé par Un Monde Avenir, Roland Tsapi

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