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Sérail : Qui dirige le Cameroun ?

« L’intention présidentielle est détournée. » Cette phrase est un extrait des propos d’un militant du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais,

le professeur Charlemagne Messanga Nyamdi reçu en invité dans les studios de Radio Balafon le 07 mai 2019. Le professeur, qui affirme être constamment consulté sur les grandes questions de la nation et qui dit avoir une bonne connaissance du fonctionnement du régime, expliquait en détail la thèse du complot scientifique ourdi par certain membre du gouvernement pour rendre le président Biya impopulaire et mettre son pouvoir en péril.

Le ministre du Travail et de la Sécurité Sociale Grégoire Owona qui explique aux Camerounais avec des grand discours que l’on peut vivre avec 36 000 au Cameroun, des juges qui refusent de libérer tous les détenus dans le cadre de la crise anglophone alors que la décision présidentielle n’en posait pas de limites, sont autant d’éléments avancés pour démontrer que des membres du système rament à contre-courant.

 

 

Un fonctionnement absurde

Ce que le professeur militant Biayiste soutient est visible et palpable. Il y a un écart considérable entre ce que le président Biya professe dans ses discours et ce que font au quotidien les membres de son gouvernement. Mais ce qui par contre est difficile à comprendre, c’est que ces personnalités sont toujours à l’intérieur du régime, où ils changent souvent de chambre, de chaise ou de positions, mais ils sont toujours là. Beaucoup de Camerounais en sont arrivés à se convaincre qu’il y a quelque chose qui ne tournait pas rond au sommet de l’Etat. Et des questions se posent de savoir si le président de la république était au courant de tout ce qui se passe dans le pays, ou y aurait-il des décisions qui sont prises et exécutées sans qu’il ne soit au courant ?

Depuis le 6 mai 2019, l’opinion est davantage édifiée sur ces interrogations grâce à la magie des réseaux sociaux. Quelqu’un a eu la gentillesse d’y mettre un document portant le sceau de la république et comportant les textes signés par le chef de l’Etat. On y lit que pour le mois de février 2019, le président de la république a signé 109 textes soit 57 décrets et 52 arrêtés. Parmi lesquels le décret numéro 2019/043 du 05 février 2019 accordant délégation permanente de signature à Monsieur Ngoh Ngoh Ferdinand, secrétaire général de la Présidence de la république. On parle de la gentillesse de celui qui a mis ce document sur les réseaux sociaux parce que les services de la présidence se sont bien gardés de mettre ce décret sur le site internet comme c’est le cas des autres textes signés à la même période et même après.

Délégation de pouvoir et de signature

C’est dire qu’en dehors du numéro et de l’objet du décret, le public ne sait pas toujours quel est le contenu et les champs de compétence dans lesquels cette délégation permanente de signature s’applique. Mais en attendant, les érudits et experts du droit administratif s’évertuent depuis la divulgation du document, à le défendre, le justifier ou le dénoncer. D’aucuns précisent qu’ils faillent faire la différence entre la délégation du pouvoir et la délégation de signature, entre une délégation ponctuelle et une délégation permanente. Toujours est-il qu’au regard de la loi, le décret a toute sa justification. D’après l’article 10 de la Constitution alinéa 2, « Le Président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier Ministre, aux autres membres du Gouvernement et à certains hauts responsables de l’administration de l’Etat, dans le cadre de leurs attributions respectives

La constitution parle de la délégation de certains de ses pouvoirs, mais le décret parle de la délégation de signature. La différence reste difficile à percevoir, la ligne étant étanche entre les deux conceptions. Des multitudes de définitions, il ressort tout de même que les deux concepts ont 4 points communs. La délégation, qu’elle soit de pouvoir ou de signature doit être prévue par un texte, ce qui est le cas pour le président de la République dans la Constitution, elle doit être écrite, ce qui est également le cas avec le décret signé le 5 février, elle doit être partielle, et c’est ici où quelque chose cloche, car la délégation de signature à Ferdinand Ngoh Ngoh est permanente, alors qu’elle devait être limitée dans le temps en situation normale,

Elle doit être enfin explicite et précise, et sur cet aspect on ne peut déjà se prononcer, en l’absence du contenu du décret. Quant aux effets induits, la différence entre les deux est que la délégation de signature ne dessaisit pas le délégant qui reste l’auteur réel de la décision. Alors que la délégation de pouvoir modifie la répartition des compétences.

En tout état de cause, quelles que soient les théories, il reste constant que la délégation de pouvoir ou de signature présuppose une indisponibilité, du moment où d’après le bon sens on ne peut déléguer quand on est en pleine capacité d’exercer.

Trop de questions…

D’où la question qui taraude les esprits. Le président Biya est-il indisponible ? difficile de le dire. Parce que la télévision nationale le présente tous les jours en train de recevoir diplomates et envoyés spéciaux des chefs d’Etat. Le dernier reçu est le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unis le 3 mai, il y a juste 5 jours.

S’il est là physiquement pour recevoir en audience, alors pourquoi sa signature est déléguée au Secrétaire général de manière permanente ? qu’est ce qui s’est passé pour que 3 mois après sa prestation de serment en novembre 2018 pour un mandat de 7 ans il soit obligé de déléguer sa signature de manière permanente en février 2019 ? Avec cette délégation permanente, qui décide désormais pour le Cameroun ?

…sans réponses

L’absence de réponse à toutes ces questions alimente pour le moment les rumeurs les plus folles, que nous ne pouvons relayer ici par déontologie professionnelle. Mais il reste constant, d’après l’article 2 de la Constitution, que « la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce soit par l’intermédiaire du Président de la République et des membres du parlement, soit par référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice »

Et le président de la république, à qui le peuple souverain a délégué cette souveraineté ne peut à son tour la déléguer à une autre personne de manière permanente, alors que lui-même est présent physiquement. Du moins si l’on s’en tient aux apparitions à la télévision, et aux messages sur tweeter.   Et à moins qu’on ne nous dise pas tout.

Roland TSAPI

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