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Décentralisation : le défi des élections régionales (1)

Dans son adresse à ses ministres le 16 janvier 2019 au cours du conseil ministériel, le Président de la République a demandé aux membres du gouvernement, entre autres de s’atteler à la préparation des prochaines élections législatives,  municipales et  régionales, selon le communiqué rendu public à l’issue de la rencontre et signé du ministre d’Etat secrétaire Général à la Présidence de la République Ferdinand Ngoh Ngoh. La nouveauté dans ces propos, c’est la mention élections régionales. L’on savait déjà que les législatives et municipales avaient été repoussées pour cette année, mais l’on n’était pas encore sûr que le président se déciderait aussi, enfin, à programmer les élections régionales. Après le Conseil, les idées sont désormais claires là-dessus.

 

Inscrit dans la loi

D’après l’article 1er de la Constitution en son alinéa 2, la République du Cameroun est un Etat unitaire décentralisé. Et la loi d’orientation de la décentralisation du 22 juillet 2004 précise en son article 3 que «  Les collectivités territoriales de la République sont les régions et les communes. (2) Elles exercent leurs activités dans le respect de l’unité nationale, de l’intégrité du territoire et de la primauté de l’Etat. (3) Tout autre type de collectivité territoriale décentralisée est créé par la loi »

Les élections régionales sont celles qui permettront d’élire les conseillers régionaux et consacreront la fonctionnalité des Régions. Elles devront alors devenir plus autonomes, définir elles-mêmes leurs priorités pour ce qui du développement dans tous les domaines. Le Cameroun sera rentré là dans une décentralisation effective, l’une des solutions préconisées pour juguler la crise anglophone.

Si le président de la république rassure que ces élections se tiendront cette année, il reste évident qu’il tient encore entre ses mains les cartes pour l’effectivité du scrutin, sur deux points essentiels tout au moins, à savoir la date et le nombre de conseillers par régions. Et l’enjeu de ces deux points n’est pas des moindres.

Représentativité

D’abord, concernant le nombre de conseillers, l’article 6 de loi n° 2006/004 du 14 juillet 2006 fixant le mode d’élection des Conseillers régionaux, dit en son alinéa 1 que « l’effectif des conseillers régionaux et la répartition des sièges à pourvoir entre les départements de chaque région et au sein de chaque département, entre les délégués et les représentants du commandement traditionnel, sont proportionnels à la population de chaque région et de chaque département, suivant le cas. » L’alinéa 2 précise qu’une loi particulière fixe le nombre et la répartition des conseillers régionaux par département et par région. Cela veut dire qu’à l’image des communes, le nombre des conseillers dans les régions va varier en fonction de la population. Le problème est qu’à ce jour le nombre de cette population n’est pas maitrisable, toutes les projections de développement se font au Cameroun sur des estimations.

Si l’on s’en tient au texte, au niveau de chaque département, les arrondissements devront produire un nombre précis de délégués en fonction de la population, laquelle jusqu’ici est déterminée par le nombre de conseillers municipaux. Mais ce nombre de conseillers municipaux par commune, fixé par une loi datant de 1992, est aujourd’hui fortement contesté.

D’après cette loi en effet, le nombre de conseillers municipaux par commune varie de 25 à 61 en passant par 31, 35 et 41 en fonction de la population. Sur cette base, il est à ce jour illogique que dans les villes de Douala et Yaoundé par exemple il y ait encore  des communes de moins de 61 conseillers si l’on considère ce nombre comme plafond.

Sous représentativité de la population

Si en 1992 il y avait dans ces villes des arrondissements avec 300 000 habitants au plus, qui justifiaient le nombre de 41 conseillers, 27 ans après cela n’est plus possible. Dans le département du Wouri, aucun démographe ou urbaniste ne peut sérieusement soutenir que les arrondissements de Douala IV et Douala II par exemple n’ont que 300 000 habitants pour avoir seulement 41 conseillers.

C’est dire que si l’on s’appuie sur les chiffres ou les considérations numériques des communes à ce jour au Cameroun pour déterminer le nombre des conseillers régionaux, ce nombre court le risque d’être largement sous-estimé, ce qui portera forcément un coup à la représentativité. 

Et c’est vers là que l’on s’achemine avec les futures élections régionales. Dans le département du Wouri par exemple, des arrondissements seront certainement plus représentés que d’autres, et dans la région du Littoral dans l’ensemble, les inégalités vont également se ressentir si l’on s’en tient ne serait-ce que qu’au nombre de communes par départements.

Le Wouri en compte 6, le Nkam 4, le Moungo 13 et la Sanaga Maritime 11 communes. On peut dès lors imaginer aisément que le département du Mungo avec 13 communes demandera à être plus représenté au sein du conseil régional, de même que la Sanaga Maritime avec 11 communes.

On peut tout aussi imaginer aisément que le département du Wouri, bien que n’ayant que 6 communes, devra faire prévaloir la densité de sa population pour exiger plus de représentation au sein du même conseil. Et cette figure peut être dupliquée sur le plan national avec la même complexité.

La loi fixant le nombre de conseillers régionaux, certainement en préparation devrait donc être ficelée avec le maximum de transparence et d’équité. Sinon elle pourra comporter des aspects conflictogènes et créer au final plus de problème qu’elle ne viendra en résoudre.

Cette loi devra être sur la table des députés dès la prochaine session parlementaire si l’on veut rester dans les temps, ou être prêt le jour dit. Et parlant du jour dit, la date de cette élection est l’autre carte détenue par le président de la République, et dont l’enjeu fera l’objet du prochain article.

A suivre

Roland TSAPI

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